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ET VOUS, OÙ EN ÊTES-VOUS AVEC VOTRE SECOURS ?

L’efficacité du secours est d’autant plus vraie que peu de pilotes en auront l’utilité durant leur carrière.

En écrivant cet article, je pense à ceux qui ont fait secours avec succès de façon instinctive, à ceux qui ont fait secours efficacement car ils s’y étaient préparés, à ceux qui n’ont pas pu, pas su le faire avant de toucher le sol…, mais aussi à tous ceux qui risquent, un jour, d’en avoir besoin , c’est-à-dire à nous tous quelle que soit notre pratique. Si pour beaucoup, au même titre qu’un ARVA (1), l’important est simplement d’avoir un secours, le jour où il devra jouer son rôle, ce sera sa bonne ou sa mauvaise mise en oeuvre qui fera la différence : faire secours est un geste technique qui s’apprend.

Les échanges entre professionnels, le visionnage des séquences frissons des hébergeurs de vidéos, les déclarations de pilotes sur la Bdna (2), et notre expérience depuis deux saisons dans le domaine de la formation à la sécurité (procédure d’ouverture de secours en particulier) concourent à avancer ce constat : en situation réelle, pour un échantillonnage pris sur une moyenne de pilotes faisant régulièrement des exercices type poignée-témoin en vol ou essais sur portique,

20 à 25 % des pratiquants ne pourraient pas extraire leur secours (incompatibilité secours / sellette, sellette / pilote, mauvaise conception, mauvais montage, gestuelle inefficace…)
50 % auraient une gestuelle instinctive coûteuse en temps et/ou pouvant être source de suraccident
ne reste donc que 25 à 30% de pilotes réellement efficaces !

Ces statistiques sont d’autant plus alarmantes que les pratiquants n’étaient pas en situation réelle.

Prenons l’exemple d’un incident de vol où le pilote se retrouve à 60° d’inclinaison : il pèse alors deux fois son poids ( c’est le cas pour ses bras, mais aussi pour son secours !)(3), son taux de chute est de 15m/s et, à 200m sol, il lui reste moins de 10 secondes pour ouvrir le secours. A plus de 70km/h sur trajectoire, avec un vent relatif nettement supérieur aux normes des vols habituels, sans repères visuels fixes, si le pilote n’est pas accoutumé à ce type de contrainte… la situation est plus que déstabilisante !

TROIS FACTEURS PEUVENT LE TIRER DE CE MAUVAIS PAS :

  • a. son savoir-faire en pilotage (qui se travaille durant les stages du même nom et à chaque vol)
  • b. la sécurité passive de sa voile (qui doit être en conformité avec son niveau de pilotage)
  • c. son parachute de secours (dont l’extraction et le lancer, pour être efficaces, nécessitent un entraînement dans des conditions les plus proches possibles d’une situation réelle)

QUELLES SERAIENT ALORS LES NOUVELLES STATISTIQUES ?…

A chaque pilote de se situer : certains seront « a » jusqu’au sol (dans ce cas, « b » est souhaitable), d’autres seront « c » tout de suite… ou plus communément d’abord « a » puis « c », et c’est le plus souvent là que le geste doit être précis et rapide…

  • (1)ARVA : Appareil de Recherche de Victime d’Avalanche
  • (2)Bdna : Banque de données de non-accidents, http://lespiafs.home-dn.net/interroidlike.php
  • (3)A noter qu’en cas de rotation sur l’axe de lacet suite à un twist, le corps du pilote est soumis, en plus, à un mélange d’accélération avant/arrière, droite/gauche s’inversant à chaque demi-tour et d’accélération de haut en bas !

Avoir un secours, c’est bien. Savoir l’utiliser, c’est mieux !

Chaque pilote devrait être capable de :

1. reconnaître une situation justifiant l’ouverture du parachute de secours (collision, incident de vol, rupture de matériel)

2. percevoir les facteurs aggravants qui vont décider de la mise en oeuvre du secours (connaissance des contraintes physiologiques et psychologiques auxquelles nous pouvons être soumis, estimation du temps disponible avant le contact avec le sol, prise de conscience des facteurs de perte des repères spatio-temporels, des facultés d’analyse, de la rapidité des réponses aux problèmes…)

3. extraire son secours et le lancer (savoir trouver rapidement sa poignée, extraire et jeter le pod efficacement)

4. stabiliser le système pour limiter le taux de chute, l’effet miroir, la rotation

5. savoir se réceptionner (on pose à une vitesse 5 fois supérieure à la vitesse habituelle et souvent sans maîtriser l’endroit)

6. neutraliser le secours pour éviter de se faire traîner.

Pour répondre à une partie de ce cahier des charges, nous organisons, depuis deux saisons, des journées « sécurité » pendant lesquels les pratiquants sont mis en situation sur tyrolienne (135m de long, vitesse moyenne de 10m/s). Si celle-ci ne reproduit pas exactement une situation réelle, elle permet du fait des exigences nécessaires à la réussite des exercices, de mettre en évidence ses lacunes ou compétences et d’améliorer sa gestuelle (principalement lors de la 3e mais aussi en partie lors de 2e phase de la procédure décrite ci-dessus).

Une mini compilation des erreurs les plus communes peut être vue sur : www.cumulus88.com/videotyrolienne.htm

Que ce soit par le biais d’une tyrolienne ou de tout autre outil pédagogique, aborder l’utilisation du parachute de secours très tôt dans la formation et en améliorer le maniement permettent au pilote d’évoluer et de progresser en minimisant l’effet des dangers liés à notre activité.

Constructeurs, revendeurs et écoles ont pour mission de faire que notre discipline soit de plus en plus sécuritaire, charge à chaque pilote de s’y intéresser….

Denis MAIRE

DTE Cumulus Alsace